Abu Hamid Al Ghazzali (1058-1111)

« Abu Hamid » car son premier né s'appelle Hamid (mort en bas âge). C'est une coutume d'appeler les hommes par « Abu » puis le prénom du premier né. Il a ensuite eu trois filles qui vivront leur vie.
« Al Ghazzali » car son ancêtre était tisserand (fileur de laine => Ghazzal).
l'imam Al Ghazzali est né dans l'actuelle Iran (région qui était à l'époque très prolifique en savants) vers une ville qui s'appelle Tous en 1058 (450AH). À l'époque l'Iran n'était pas chiites mais sunnite, c'était plutôt l'Irak (Al Kufa) qui l'était. L'Iran devient chiites à partir du 16ème siècle et devient même forte et puissante à cette époque grâce à une dynastie chiite: Les Safavides (As-Safawiyoun (fondée par Safiuddin Ardebili à la fin du 13ème-début 14ème siècle), qui règnent en Iran de 1501 à 1763). Al Ghazzali est donc un persan de l'empire Seldjoukide (fondé en 1037 (429AH) jusqu'en 1157 (552AH)).
Il a un cursus scolaire classique: apprentissage de la langue arabe, du coran et de la science religieuse.
Son père (Muhammad) était illettré et analphabète. Il a regretté cela et voulait que ses enfants Muhammad et Ahmed soient lettrés. Une fois ses enfants à l'école, le père va mourir et ses enfants orphelins seront gérés par un Soufi. Ils finiront tous deux savants. Ahmed sera spécialisé dans la spiritualité, la prédication, l'exhortation. Muhammad lui était dans un premier temps spécialisé dans le fiqh, Usul al fiqh, la théologie et la philosophie. Il faut attendre un peu pour que l'imam Al Ghazzali ait un déclic qui fasse de lui un maître de la spiritualité musulmane.
Les savants s'accordent pour dire qu'un des réformateurs du cinquième siècle de l'hégire (Al Ghazzali est né en 450AH et mort en 505AH) est l'imam Al Ghazzali.
À son époque les sciences religieuses étaient mortes, il est venu apporter de la vie dans ce domaine. Pourquoi ces sciences étaient elles mortes ? Car les musulmans de l'époque étaient trop concentrés sur le physique et l'aspect extérieur de la personne plutôt que sur son cœur et son aspect intérieur. La plupart des Soufis utilisaient la religion à des fins purement matérielles. C'était des traîtres à la spiritualité.
L'imam Al Ghazzali fait ce constat amer et étudie le sujet. C'est quelqu'un de très intelligent (d'ailleurs, Moustapha al ´Aqad, grand auteur égyptien du 20ème siècle dit dans sa biographie d'Al Ghazzali que ni l'orient ni l'occident a connu un savant plus intelligent que l'imam Al Ghazzali). C'est lui qui est derrière la réforme en occident (par exemple, René Descartes n'a fait que s'inspirer de Abu Hamid Al Ghazzali, il avait le livre Al Mounkidhu min aD-Dalal (délivrance de l'erreur) qui est une critique de la pensée et de la philosophie qui a été traduite en latin sur laquelle s'appuie Descarte pour écrire son Discours de la Méthode). Il est devenu enseignant dans la plus grande université musulmane de l'époque où il donnait des cours aux savants: la NiDHamiya (Baghdad), l'une des universités fondée par le vizir seldjoukide NiDHam Al Moulk (RA) qui était quelqu'un d'érudit qui favorisait l'enseignement en ouvrant des écoles et universités un peu partout dans son empire. C'est lui qui permet aux étudiants d'avoir des bourses…
Al Ghazzali avait la réputation du savant irrattrapable et indétrônable: pas étonnant et logique car il a été formé par le chafé'ite 'AbdelMalik Al Juwainī (1028/419AH-1085/478AH), grand penseur musulman qui apportera énormément dans les fondements de la religion. L'imam Al Ghazzali a donc été façonné par l'imam des deux lieux saints (imam Al-Haramayn) (la Mecque et Médine). Al Juwainī a une particularité: il a une approche de la religion à travers ses finalités (ce n'était pas un littéraliste).
Ainsi Al Ghazzali devient une référence dans le droit musulman chafé'ite, dans les fondements du droit, mais aussi dans la théologie et la défense du dogme musulman (il est dans une période où il y'a beaucoup de sectes et courants comme « Ikhwanou As-Safa » (les frères de la sagesse) qui sont des penseurs qui prennent référence au Coran et aux philosophes grecs et ont tout mélangés se détournant de l'islam. Ou encore « Al Isma'iliya » qui est une branche du chiisme que eux même considèrent comme hérétique. Il y a à l'époque d'Al Ghazzali un courant qui a un impact terrible sur les intellectuels: Al BaTiniya (l'ésotérisme), des gens qui disent qu'il y'a un sens apparent et un sens caché aux textes sacrés, que le commun des musulmans ne peut pas percevoir. Ils font dire au coran le contraire de ce que le coran dit en donnant des définitions des mots comme cela les arrange. On a aussi un courant philosophique qui a pris cet héritage des philosophes grecques et va polluer l'islam avec des convictions de la philosophie grecque (ex: certains ont l'idée que le monde est éternel (ni début ni fin)).
L'imam Al Ghazzali, vivant dans ce contexte, agira pour défendre l'islam, étant spécialisé dans les sciences islamiques et profanes comme la philosophie grecque à laquelle il se consacra pendant 2ans et qu'il critiquera et déconstruira. Si bien qu'il dit dans ses épîtres qu'il maîtrise cette philosophie plus que les penseurs grecs eux même. Il écrira un livre: « Tahafut al Falassifa »: de la nullité et de la contradiction de la philosophie grecque, où il déconstruit cette philosophie avec intelligence. Il écrit aussi « IbTal Al BaTiniya » où il répond à la question de comment répondre aux sectes. Il maîtrise l'hétérodoxie. Il écrit même un livre où il prouve la nullité de la Trinité (christianisme). C'est donc un érudit qui a non seulement le savoir et les connaissances mais aussi l'intelligence pour remettre en question toutes les idéologies de manière scientifique.
Il devient donc la référence avec une popularité et forcément de l'argent. Il vivait dans la richesse et l'opulence. Il avait même une certaine arrogance. Son frère Ahmed était humble et très spirituel et rappellera un jour à son frère Abu Hamid qu'il est tel une bougie qui éclair les gens en se consumant car la science doit le rapprocher de l'amour et de la crainte d'Allah et non pas le faire devenir arrogant. L'imam Al Ghazzali réalisera la véracité des paroles de son frère et tombera d'ailleurs en dépression, qu'il raconte dans ses mémoires. Il découvrit qu'il n'était pas sincère et pas honnête avec Dieu. Il prend une décision difficile: il quitte tout, abandonne tout et part à la recherche de la vérité (Dieu) (à l'âge de 37 ans) car il était avant cela dans l'apparence. La chose la plus dure, dit il, était d'abandonner sa famille (qu'il ne verra pas pendant 10ans car se réfugie dans le Cham où il reste 1ans-1ans et demi puis va à Jérusalem, puis revient au Cham lorsque Jérusalem tombe entre les mains des croisées. Il y fait une retraite spirituelle pendant 10ans où il se remet en question et développe une relation intime avec Dieu. C'était très difficile pour lui, il vivait de rien du tout. C'était l'abstinence totale. Il s'occupait des toilettes et des lieux d'ablution à la mosquée de Damas, pour tuer son nafs (cf anecdote ou un homme vient poser une question à la mosquée de Damas et aucun savant ne sait répondre, c'est alors que l'imam Al Ghazzali joue son rôle de savant et répond à l'homme discrètement. Puis l'homme se moque des autres savants qui n'ont pas su répondre sachant qu'un homme qui s'occupait des toilette a su y répondre. Les savants n'en croyaient pas leurs yeux et ont compris que cet imam était Al Ghazzali puisque sa disparition étaient connue dans le monde musulman. Al Ghazzali ne voulant pas se faire repérer va réussir à fuir). Après ces 10ans, Al Ghazzali revient à la prédication et deviendra un soigneur et purificateur de cœur au lieu d'étaler et de montrer sa science. (Car cela est le rôle du prophète qui est venu éclairer la raison et purifier les coeurs (saws) cf. (Sourate Jumu'a verset 2)).
L'imam Al Ghazzali a à son compte 70 livres qui sont tous une plus value. Le plus indéniable est Al IHya 'Ulum Ad-Din (la revification des sciences de la religion). Il fait un constat que l'imam Al MuHāsibi (contemporains de l'imam AHmad ibn Hanbal, 3ème siècle de l'hégire) fera: les musulmans sont dans l'apparence, dans la dounya, ils ont oublié Al Akhirah. La solution qu'il apporte est de revenir au soufisme: la purification des âmes et des cœurs. Le soufisme est par excellence la science utile nécessaire pour sauver son âme (la sincérité…). L'imam Al Ghazzali explique tout cela dans son chapitre « Kitābu Asrari As-Salati » (le livre des secrets de la prière) ou il explique pendant quelques 3-4 pages les côtés techniques de la prière selon l'école chafe'ite. Puis dans les (environ) 250 pages suivantes il parle d' « Al Khuchūhu fi As-Salah »: la concentration dans la prière.
Al Ghazzali montre en fait que les imams enseignent une partie secondaire de la religion (le coté physique de l'adoration) au lieu d'apprendre le primordiale (le travail sur le cœur dans l'adoration). cette science du travail sur le cœur s'appelle At-Tassawuf: la sincérité, la concentration dans la prière. Al Ghazzali reboost les sciences religieuses en se concentrant sur la sincérité, la piété, l'amour… Un de ses livres s'appelle d'ailleurs « Al 'Ilm »: la science, qui est celle qui permet au savant de craindre Dieu, si bien que celui ci ne doit pas avoir peur de dire la vérité même s'il doit y laisser sa vie. À son retour de ses 10 ans de retraite spirituelle, Al Ghazzali prendra conscience que beaucoup de savants vendent leur âme pour de l'argent et font des fatawas pour arranger ceux qui ont le pouvoir. Lui s'est interdit cela. (Dans son premier livre sur la science il met le doigt sur le problème de la communauté musulmane (sûrement encore actuel) qui est: les savants. Ceux qui sont censés éclairer les gens les maintiennent en fait dans les ténèbres, ils rabaissent la communauté au lieu de l'élever). D'ailleurs ces intellectuels qu'il a déconstruit vont le combattre et certains iront jusqu'à en faire son takfirisme, écriront des livres contre lui. Plus que cela: dans le maghreb, les Almoravide (dynastie fondée par ´AbdAllah ibn Yassin (RA)), sous 'Ali (fils de Yussuf ibn Tachfin, figure emblématique des Almoravides RA) vont brûler en public les livre de l'imam Al Ghazzali et certains diront même que le livre « Al Ihya 'Ulumi ad Din » est un égarement pour celui qui le lit car il y'a dedans beaucoup de aHadiths faibles (ce qui est une aberration car on prend ce qu'il y'a de bien dans ce livre + l'utilisation de aHadiths faibles n'est pas un problème puisque beaucoup de savants musulmans l'ont autorisée dans le domaine de la morale et de l'exhortation, mais pas dans celui du halal et du haram). D'ailleurs dans son Ihya, au chapitre sur « Ar-Riya » (l'ostentation), l'imam Al Ghazzali dit: « chapitre de l'ostentation » puis cite les versets du coran qui parlent de l'ostentation, puis s'appuie sur des aHadiths, authentiques et faible (car il n'était pas spécialiste dans la science du Hadith: les savants ne sont majoritairement pas spécialistes dans tous les domaines sachant que les sciences ne cessent de s'agrandir). Il utilisait les livres existant comme références comme « Qut Al Qulub » de AbuTalib Al Mekki qui est truffé de aHadiths non authentiques mais pas dangereux car pas dans le halal et le haram. L'imam AHmed ibn Hanbal préfère d'ailleurs le Hadith faible a l'opinion d'un savant.
L'imam Al Ghazzali, à la fin de sa vie, donnera plus de temps à l'étude de la sunna authentique en devient l'élève d'un mouHaddith qui lui transmettra le savoir du sahih d'Al Bukhari et Muslim.
« Al Ihya 'Ulumi ad-Din » est une œuvre monumentale. Anecdote: rapportée par MaHmoud ' 'AbdelHalim: Il parle à un moment dans ses mémoire « Les Frères musulmans : des événements qui ont fait l'histoire » d'un jeune musulman égyptien qui était dans la pratique et assistait aux cours du mardi de cheikh Hassan Al Banna. Ce jeune connaîtra une période de baisse de foi et s'éloignera voire disparaîtra. Cheikh Hassan al Banna est un homme qui s'inquiète pour ses élèves et demande à ce qu'on retrouve et ce jeune homme, et les gens le retrouvent ayant quitté l'islam car il est tombé amoureux d'une jeune fille copte qui lui a posé comme condition pour l'épouser qu'il devienne chrétien. Il abandonnera l'islam mais elle refusera de l'épouser car dira qu'il n'est pas sincère dans sa conversion. Elle lui a dit pour le tester qu'il reste à l'église et sonne les cloches... jusqu'à qu'elle le sente bien et se donne à lui pour qu'il l'épouse. Mais ce jeune homme fera un rêve ou il va voir le prophète (saws) qui a à sa droite Moussa AS et 'Issa AS et le prophète (saws) dit à 'Issa « es tu satisfait de cet homme qui a quitté ma religion pour rejoindre le christianisme », 'Issa dira que non et l'homme se mit à pleurer et demande au messager de Dieu (saws) de le guider. Le prophète (saws) lui dit d'aller à tel endroit (en lui montrant du doigt) et lui dit qu'il trouvera un homme assis qui est Abu Hamid Al Ghazzali et qu'il s'assoit avec lui. Toujours dans le rêve, il s'en vat, trouve Al Ghazzali, s'assoit et Al Ghazzali ouvre le livre Al Ihya et se met à réciter au jeune homme le Ihya 'Ulum ad-Din. Après s'être réveillé, le jeune homme sort de l'église, se repent… puis raconte ce rêve à Hassan Al-Banna qui éditera Al Ihya à un petit prix pour qu'il soit accessible à tous les musulmans. C'est grâce à Hassan Al-Banna que ce livre forma des générations de savants car, en effet on ne peut pas rester insensible à ce livre où on sent la sincérité de l'écrivain et on voit même la différence chez un savant qui a lu et s'est inspiré du Ihya 'Ulum ad-din qu'un savant qui ne l'a jamais lu. En effet depuis que les musulmans ont délaissé le soufisme (science qui a pour objectif de purifier les cœurs) ils n'ont plus de réelle spiritualité (le nom soufisme n'a pas d'importance… nos savants appelaient cela Tassawwuf ou Al Haqiqa ou At-Tariqa… le nom n'a pas d'importance, c'est la signification qui compte). Fin de l'anecdote.
L'imam Al Ghazzali fera changer les choses dans tous les domaines pendant le peu de temps qu'il lui restera après son retour. Si bien que les savants qui viendront après lui se référeront à lui (s'ils soient musulmans ou non). Les musulmans l'utiliseront pour répondre aux différentes sectes, aux confréries soufies égarées, aux savants des madhahibs qui prenaient leur école pour des sectes (si tu n'es pas de telle école tu es en enfer).
Al Ghazzali a un fiqh pragmatique qui répond aux problématiques de son époque. C'est un fiqh de la réalité (Al waki').
Parenthèse: (l'imam Hassan Al Banna (RA) avait comme programme réservé à l'élite du mouvement une fois par semaine l'étude d'Al Ihya 'Ulumi ad-din). Fin de la parenthèse.
Al Ghazzali sera appelé « Hujjatu Al Islam » (c'est à dire le meilleur dans la matière, qui devance tout le monde). D'ailleurs Cheikh Yussuf Al Qaradawi RA écrira un livre sur Cheikh Abu Hamid Al Ghazzali et son œuvre éducative. Al Ghazzali a en effet réveillé la communauté musulmane de la léthargie dans laquelle elle était plongée, de par sa sincérité impressionnante. Cheikh Al Qaradawi en écrit un deuxième sur Cheikh Muhammad Al Ghazzali (son maître) (le contemporains mort en 1996) comme il l'a connu, où il dit tel père tel fils (spirituellement, dans le fond et dans la forme, avec le père étant Abu Hamid Al Ghazzali et le fils Muhammad Al Ghazzali).
Al Ihya est un livre à avoir, à lire et à étudier pour entretenir notre santé spirituelle.
L'imam Al Ghazzali nous dit dans Al Ihya que pour s'en sortir et pour entretenir notre cœur il faut un maître (comme le prophète (saws) a éduqué ses compagnons), un cheikh qui va nous accompagner vers Dieu. Car celui ci connaît les défauts du cœur et les pièges du diable pour qu'il nous accompagne et nous soigne, et cela est plus dur à trouvé que de l'or pur, dit-il, et si l'on le trouve, ne le lâchons pas, nous conseille-t-il. Un deuxième de ses conseils est que si l'on n'arrive pas à le trouver, cherchons un frère sincère qui nous épaule et avec qui nous cheminerons vers Dieu dans la sincérité.
Le cheikh transmet sa spiritualité lorsqu'il nous parle et nous enseigne. Car le but de l'apprentissage de la science est de craindre Dieu davantage, de s'en rapprocher et de gagner son amour.
L'imam Al Ghazzali meurt plein de sincérité en l'année 1111 (505AH) à Tous en Iran.